Lundi 16 novembre 2015 à 22:20


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ça fait un petit moment que je n'ai plus les mots. Où qu'ils sont bloqués quelque part au fond de ma gorge, coincés entre mon coeur et mes doigts, au creux de moi, la où avant il y avait toi. ça fait un moment que j'ai envie de commencer à écrire un bout d'histoire et, où après trois mots je ne sais plus exactement pourquoi ni comment expliquer tout ce désarroi au fond de moi. J'ai toujours été douée pour raconter la douleur, la peur et la tristesse. Parce que c'était ma façon à moi de l'apprivoiser, de la surmonter et de la dépasser. Mais cette tristesse la... Elle était trop vive pour moi je crois. Elle était trop nouvelle trop soudaine trop moche, pour être écrite où que ce soit.

Mes mots pour toi, j'ai eu la chance de pouvoir te les écrire avant qu'il ne soit trop tard. Au moment où on te regardait tous décliner, où on essayait de se former des souvenirs à conserver dans de la parafine pour ne jamais les perdre. Au moment où l'on s'appliquait tous a mémoriser attentivement le son de ta voix qui déraillait déjà parce qu'on savait qu'elle ne durerai pas, au moment où on imprimait au coin de nos coeur ton sourire encore affuté, à ce moment là, j'ai eu la chance de t'écrire ce que j'avais toujours voulu te dire. Plus pour moi que pour toi, pour ne jamais regretter, pour ne pas m'en vouloir, pour être le plus sereine possible. Et pourtant... Je ne suis toujours pas sereine ce soir, ni tous les soirs, depuis le mois de Janvier.
Et étrangement, je n'ai jamais pu le poser. Nul part. Nul part ailleurs que sous la douche ou dans le train, quand, dans le reflet du miroir je t'aperçois au fond de mes yeux, quand au milieu d'un moment inapproprié je sais que je ne pourrai rien écrire, et qu'aucune trace de tout ne sera laissée...

Et ça aurai pu durer longtemps Mamie. ça aurai pu durer des années. Mais voila, ils on saignés Paris vendredi, et j'avais besoin de le dire. Et je ne peux pas le dire, sans parler de toi avant. Comme s'il y avait une liste d'attente au bout de mes doigts, comme si les sujets s'alignaient et ne se déplaçaient pas, comme si tout ce qui s'accumulait entre mon coeur et mes doigts devait sortir, un par un et dans l'ordre, pour que ça ai un sens, un peu. Pour moi au moins.

Ils ont saigné Paris Mamie, Vendredi 13. Et ça m'a brisé le coeur un samedi matin ordinaire. Mon monde n'a perdu personne, on n'a pas de blessés, pas nous. Mais ça m'a tellement retournée que c'était pas simple de travailler ce matin après ça. D'ici. De loin. Parce qu'au bureau il n'y avait que mon monde qui avait été chamboulé. Que comme quand t'es partie  Mamie. Les gens autours, ne ressentaient pas tous ça. Ce matin encore, il n'y avait que moi a subir les vague de souvenirs, de peurs, et de témoignages, heures par heures, tout au long de la journée. On n'oubliera pas, on se relèvera parce qu'on n'a pas le choix. Mais on a perdu un peu d'insouciance vendredi Mamie, encore...
Et ça s'accumule et c'est douloureux à encaisser... Et ça fait remonter tous les autres moments où j'ai grandit d'un coup parce que la vie m'a forcé la main. Et bizarrement ces tarés qui se font exploser au milieu de la rue ça m'a fait penser à toi. ça m'a fait penser a lui. ça m'a fait mal presque au même endroit d'une manière différente. ça m'a rappelé ta maladie et l'attente du diagnostic, ça m'a rappelé le deuil et la convalescence des survivants. On va s'en remettre de tout ça, parce qu'on est jeunes parce qu'on en veux parce qu'on y crois. Parce que le jour où on arrêtera de croire, on n'aura plus qu'a s'enterrer et franchement là tout de suite on a d'autre projets. On va continuer de croire aussi fort que l'on peut, on va tellement y croire que ça arrivera, on va recommencer à rire, on va commencer à en rire, on va commencer à oublier, à s'habituer. On va retourner à Paris. On va prendre ces événements de nos vies comme des pièces douloureuses de cette grande mosaïque qui fait de nous des êtres uniques, différents, et compliqués.
On va tout surmonter parce que ce qui ne nous tue pas nous rends plus fort, et que Mamie, on a la chance de ne pas être morts. On a la chance de pouvoir encore se lever, encore espérer, encore aimer et vivre. On a la chance de pouvoir encore être libre, alors on va en profiter.

Mais pas maintenant, là tout de suite, c'est trop tôt c'est trop à vif et c'est trop compliqué. Là tout de suite on je me sens comme sur un bateau de sauvetage à l'étranger, avec pour seul objectif de rentrer au pays, d'enlaçer mes proches, ma famille, mes amis. De leur dire que je les aime, qu'on s'en remettra, qu'on avancera ensemble. Et puis une fois qu'on aura fait tout ça mamie, alors comme avant, comme à ton enterrement, je regarderai ma cousine, et on commencera à en rire ensemble, et à rire de nous. Parce qu'on n'aura plus le choix. Parce qu'elle sait ma cousine, que c'est quand on a le plus mal qu'il faut le plus rire. Que ça ne veut pas dire qu'on n'a pas de coeur, ça veut juste dire qu'on n'a pas d'autre moyen d'apprivoiser la peur et la colère. Parce qu'elle est mon pansement dans ces moments là tu sais, parce qu'en Janvier elle m'a refait sourire malgré moi. Alors en attendant de la revoir je vais essayer de me débrouiller toute seule, et puis on se verra, on sera triste, on sera fortes, on sera le plus drôle possible, et après ça promis on se bat. Apres ça. On y retournera.

Par lancien le Jeudi 31 décembre 2015 à 17:53
Votre article m'a ému. Si vous voulez parler, je peux vous écouter. Je dois avoir l'âge de votre mamie.
 

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